Le nombre de logements attribués en 2024 a atteint son niveau le plus bas, soit moins de 390 000 ménages, alors que celui des demandeurs n’a jamais été aussi élevé : 2,8 millions. Devant cette situation, certains politiques brandissent une réponse : mettre fin au « logement social à vie ». Autrement dit, il s’agirait de limiter la durée pendant laquelle on peut demeurer locataire d’un logement social. Mais au fait, où prévoit-on d’envoyer les ménages dont le bail aura pris fin ?
L’idée de satisfaire davantage de demandeurs en les satisfaisant moins longtemps n’est, à l’heure actuelle, qu’un discours. Ce discours est tout aussi vain qu’injustement culpabilisant à l’égard des locataires Hlm. Disposer d’un logement décent à un prix abordable n’est pas un privilège, mais un droit qui devrait s’appliquer à tous.
Il y a cependant un domaine où la précarisation est déjà en œuvre, c’est celui de l’hébergement social. Des centres sont priés par les services de l’État d’organiser la « rotation », autrement dit de remettre à la rue des personnes en détresse pour pouvoir en accueillir d’autres. Cette pratique est d’autant plus choquante qu’elle est illégale, la loi DALO ayant établi le droit de toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’y rester jusqu’à ce qu’elle soit orientée vers un logement ou, à défaut, vers un hébergement stable [1].
Ni les personnes accueillies en hébergement, ni les locataires Hlm ne sont responsables de l’engorgement. En réalité les causes sont bien connues : la France manque de logements abordables. En 2024, seuls 85 000 nouveaux logements sociaux ont été financés contre 124 000 en 2016. L’État ayant prévu de continuer à taxer les Hlm à hauteur de 1,4 milliard d’euros en 2026, il n’y a hélas aucune raison d’espérer que la courbe reparte à la hausse.
La chute de la production s’ajoute à la baisse des départs : seuls 9% des locataires Hlm ont quitté leur logement en 2024 contre 15% en 2016. Sur certains territoires, c’est moins de 5%. Cette situation ne découle pas de ce que les locataires auraient tous envie de finir leurs jours dans le même logement, mais d’une absence d’alternative : l’accession à la propriété et la location privée sont inabordables. Jamais le logement n’avait été aussi cher et jamais, depuis la guerre, on n’avait aussi peu construit, qu’il s’agisse de logements privés comme de logements sociaux.
Nous n’attendons pas des responsables politiques qu’ils procèdent à une impossible répartition de la pénurie. Nous attendons qu’ils prennent les mesures permettant d’adapter l’offre à la demande. Nous attendons une politique du logement.
Bernard Lacharme
Président de l’Association DALO
[1] article L.341-2-3 du code de l’action sociale et des familles